L'homme de spectacle
Mesdames et Messieurs…
Roulement de tambours …
Vous êtes venus voir du spectacle, de l’inédit, des personnages extraordinaires, le cirque Médrano a le plaisir de vous présenter le fabuleux numéro de force de « L’homme le plus fort du monde » : Charles Rigoulot est parmi nous ce soir !
Applaudissements ….
Ainsi, en 1928, Charles Rigoulot (1903-1962), ancien apprenti boucher du Vésinet devenu champion olympique d’haltérophilie aux Jeux Olympiques de Paris 1924, trouve dans le catch, puis dans le cirque, le théâtre de démonstration d’une force phénoménale.
Rigoulot impressionne le Paris des années folles, amuse la France de l’après-guerre et se révèle, loin de l’hexagone, comme une figure de la virilité. Il incarne, par sa popularité, le chemin que prend progressivement le sport : l’expression d’une industrie de spectacle.
Le match des hommes forts
Rigoulot et Cadine n'auraient aucun succès dans les dancings.
Le match Rigoulot/Cadine du 6 octobre 1925
Le 6 octobre 1925, les spectateurs du Cirque de Paris attendent avec impatience le verdict d’un duel herculéen. Charles Rigoulot âgé seulement de 22 ans et fraichement champion olympique défie Ernest Cadine, son ainé de 10 ans, et ancien champion olympique. Du lourd, du lourd dirait-t-on aujourd’hui. C’est un rendez-vous immanquable dans cette France qui commence à célébrer les sportifs, notamment les « hommes forts ». Le vainqueur est celui qui obtient le plus de points à l’issue des dix mouvements imposés (épaulé et jeté, arraché…). La salle est trop petite pour satisfaire la demande publique. Les heureux spectateurs assisteront au triomphe du « Colosse du Vésinet ».
Concentré et doté d’un calme olympien, Rigoulot l’emporte par 2 174 points à 2 159, avec à peine plus de 7 kilos de différence.
La Force tranquille.
Il est dit que Charles Rigoulot s’illustre sur les terrains d’athlétisme avant d’opter et d’exceller en haltérophilie. Heureux choix. Dès son jeune âge, il impressionne son entourage par sa capacité à soulever des charges importantes, d’une main et des deux mains sans difficulté.
Avant son titre olympique, il obtient plusieurs titres de champion de France avec ses clubs: Pons Amical Club, Club Athlétique des Gobelins et le Stade Français. En 1924, vraisemblablement sur le stade Buffalo à Montrouge (Sud de Paris), il restitue à la perfection les différents mouvements de sa discipline : développé à deux bras, l’arraché…
Rigoulot, c'est le catch...
Jazz, chewing gum, stars d’Hollywood, l’Amérique interpelle et fascine le monde. Le catch aussi, dont Roland Barthes pointe avec justesse : « ce n’est pas un sport, c’est un spectacle » séduit la France. Le « catch as catch can » comme on pouvait le lire sur les affiches des premiers moments de son introduction, rencontre un succès fulgurant dans les années 1930. Toujours à la quête de spectacles étourdissants, les managers de célèbres salles parisiennes, en particulier le Cirque de Paris ou le Palais des Sports, rivalisent pour accueillir ces shows à l’américaine. La popularité du catch est aussi en grande partie liée à la participation des figures sportives dont les disciplines frôlent l’univers du cirque. Rien d’étonnant de trouver dans les pionniers du catch hexagonal…
Monsieur Rigoulot.
Et que dire des caricaturistes, Paul Ordner et Pellos qui ont su magnifier ces corps musculeux …
Le Palais des Sports : scène de muscle
Dans les années 1930, plusieurs réunions de catch ont pour scène le Palais des Sports. Le Paris artistique et celui des milieux populaires s’y donnent rendez-vous régulièrement. Le public, fin connaisseur des combats (lutte, boxe) apprécie ce nouveau spectacle où force, agilité et comique font équipe. Parmi les duels qui marquèrent les esprits, il y a le combat, le choc des initiateurs du catch en France : Henri Deglane/Charles Rigoulot en 1934. C’est le combat des titans : le champion olympique de lutte gréco-romaine opposé au champion olympique d’haltérophilie dans la catégorie des mi-lourds.
Paul Ordner, Pellos : croqueurs de catcheurs
Hors des rings, s’est également joué un combat à coup de crayons. Qui de Paul Ordner ou de Pellos, caricaturistes-journalises allaient si bien croquer les contours galbés des corps de catcheurs ? Pendant plusieurs années, sur les places publiques, dans les lieux massivement fréquentés, l’affiche de catch a constitué le témoin du duel sportif. Chaque trait préfigure un geste, une action, une particularité du catch. Tout y est dans les dessins de ces deux artistes.